C’est bien la première œuvre de fiction que je lis sur l’Egypte ancienne, (et non pourtant, je me souviens vaguement avoir lu, il y a très longtemps, le roman de la momie de Théophile Gautier). Je ressors de cette lecture toute bouleversée, admirative d’une civilisation extraordinaire, dépouillée au passage de quelques idées reçues, et marquée par les personnalités hors-normes des deux principaux protagonistes de cette histoire : l’archéologue Howard Carter et le pharaon Toutankhamon. Perplexe aussi plus que jamais, face à notre civilisation du prêt-à-consommer et du fast-tout, si tant à l’antipode de cette merveilleuse époque des pharaons dans laquelle nous plonge passionnément l’auteur.

L’affaire Toutankhamon de Christian Jacq paraît en réédition en 2005 chez Grasset et Fasquelle à Paris. C’est l’histoire mouvementée d’une campagne archéologique, menée avec fougue par un jeune homme, que pourtant rien en apparence ne prédestinait à cette quête. Peintre animalier, Howard Carter arrive en Egypte par le biais d’un égyptologue avec lequel il travaille un moment comme dessinateur de hiéroglyphes (écriture égyptienne), avant d’embarquer avec lui. Très tôt fasciné par la Vallée des Rois, lieu mythique de Louxor où sont enterrés des pharaons, Howard devient un excellent archéologue de terrain, dépourvu de diplômes dans le domaine, mais d’un talent inégalé. Commence alors sa quête du tombeau d’un autre adolescent comme lui, le fameux roi Toutankhamon dont la sépulture, contrairement à celle des autres pharaons de l’Egypte ancienne, n’a jamais été retrouvée, donc n’aurait pas été violée. Au bout de cette quête passionnante, je suis revenue d’un certain nombre d’illusions, et ai acquis une certitude.
1ère illusion perdue : les archéologues fouillent.
De l’Egypte, je connaissais certes les images des pyramides et sphynx, j’avais une idée plus ou moins floue des mausolées des pharaons, et j’avais surtout gardé à l’esprit, et suite certainement à des reportages de télévision, ce cliché de l’archéologue, un pinceau à la main, dépoussiérant patiemment des roches sédimentaires. Ce roman m’a bien désillusionnée sur ce point : pour ce qui est en tous cas du site de la Vallée des Rois en Egypte, les archéologues sont loin de fouiller eux-mêmes. Ce sont des locaux, membres d’équipes qu’ils supervisent qui font le travail de déblayage de gravats. Evidemment, ces travaux nécessitent d’énormes financements, et c’est ici qu’entre en scène un autre personnage important de l’histoire, Lord Carnarvon, le mécène anglais qui acquitte les fouilles de Carter. Cet homme épris d’aventures et de découvertes aura été le bras financier de la campagne qui aura permis de mettre au jour, le trésor inestimable de Toutankhamon. Certes, Christian Jacq présente la vie affectueuse de l’archéologue Carter qui aimera deux femmes l’une après l’autre, une égyptienne, puis la fille de Carnarvon. Mais mon avis est qu’il y a deux véritables histoires d’amour dans ce roman. La première lie Carnarvon et Carter dans leur ferveur commune pour la Vallée des Rois. Les deux hommes sont d’un caractère intransigeant, ils sont passionnés et leur vie n’est que quête d’absolu. Ils dédaignent les convenances, les mondanités, les apparences. Et si Carter se passionne pour Lady Evelyn, cette fille qui ressemble tant à son père, c’est de mon point de vue parce qu’il aime tant le comte qu’il ne peut que tomber sous le charme de cet appendice, ce clone féminin qu’est son enfant. Un moment, l’archéologue pense pouvoir épouser cette dame, mais il n’est que roturier, et le mécène a beau avoir des idées révolutionnaires, il ne voit pas sa fille noble épouser son ami : Carter restera l’amant de la Vallée.
La deuxième grande histoire d’amour du roman scelle l’archéologue Carter et le pharaon Toutankhamon dans un hyménée étrange par delà les millénaires.
Lorsque les visiteurs se raréfiaient, un homme d’une soixantaine d’années, à l’élégance toute britannique, quittait son observatoire et descendait vers la plus fameuse des tombes en empruntant un sentier désertique. Lorsque le silence revenait dans la Vallée, Howard Carter revivait son épopée. Malade, affligé d’une fatigue dont il ne parvenait plus à se débarrasser, usé par la jalousie, la mesquinerie et la trahison, l’archéologue ne comptait plus qu’un seul ami, le pharaon Toutankhamon, dont la demeure était largement ouverte à tant d’hôtes bavards, inattentifs ou indélicats.
P.430

le 26 novembre 1922
Au bout d’une quête de près de 30 ans, Howard Carter parvient à sauver de l’oubli ce roi mort tout à fait jeune, et c’est ici qu’intervient ma deuxième désillusion.
2ème illusion perdue : les tombeaux de pharaons, qui sont des pyramides, regorgent de merveilles.
Dans mon imaginaire de profane de l’égyptologie, j’avais deux autres croyances erronées : la première, que les pharaons sont tous enterrés dans des pyramides, la seconde, que ces tombeaux (Christian Jacq réfute la terminologie « tombeau » pour préférer l’acception des anciens égyptiens « demeure d’éternité« )regorgent de trésors. Eh bien, non : le roman montre à suffisance que tous les tombeaux de pharaons ont été pillés par des voleurs trafiquants d’antiquité, et que cette activité florissante en Egypte, se transmet d’ailleurs de père en fils, occupant parfois tout un clan. Ainsi, si les pharaons ont tous été enterrés avec un fabuleux trésor, censé les accompagner dans l’au-delà, la majeure partie de ces richesses a été volée par les pilleurs, parfois depuis l’antiquité.
Même la tombe de Toutankhamon, célèbre pour être restée inviolée, aura subi, par deux fois, la visite des voleurs, qui ont dû l’abandonner l’on ne sait pour quelle raison, sans en emporter le magot. C’est ensuite la construction d’abris d’ouvriers au dessus de ce monument qui aura garanti sa préservation. Et pour ce qui est des pyramides, non, tous les pharaons n’ont pas été enterrés dans des pyramides. Certains l’ont été dans des hypogées (constructions souterraines et plus spécifiquement tombes creusées dans le sol) ainsi que le fut Toutankhamon dans la Vallée des Rois, vaste abri d’hypogées.

3ème illusion : les scientifiques sont copains comme cochons.
Je me faisais cette idée absolument biaisée de la science : un monde de bisounours, avec des professionnels s’entendant comme larrons en foire, partageant le fruit de leurs découvertes, dans une ambiance bon enfant d’altruisme débonnaire. Faux ! Le monde de la science est sujet à son lot de jalousie, d’autant plus exacerbée dans le cas de Howard Carter, que notre découvreur n’a obtenu aucun diplôme d’archéologie, et son caractère entier n’est pas de nature à lui valoir que des amis. Qu’importe, ce qui aura été marquant tout le long de cette aventure palpitante, c’est l’obstination d’un scientifique, porté par une idée fixe, qui se fie à son instinct, et parvient à ses fins.
D’ordinaire, un roman me captive par la qualité littéraire dont il recèle. Ici, point de grandes envolées lyriques ; même si la valeur littéraire de l’œuvre est indéniable, il n’y a point de recherche particulièrement originale dans l’emploi de la langue. Pourtant, à travers les lignes de ce roman, affleure la toute puissance de l’Egypte ancienne. Les descriptions exceptionnelles de la Vallée des Rois, la relation des tribulations politiques en Egypte à l’époque de la découverte, avec les flonflons de la première guerre mondiale en toile de fond, la véridicité des faits et des personnages, les rivalités en tous genres et autres rumeurs de malédictions que suscitent le pharaon longtemps oublié, tous ces ingrédients en font une œuvre exceptionnelle, un classique de roman historique.
Au total et au bout de cette quête d’absolu et d’éternité, je reste profondément marquée par la civilisation de l’Egypte ancienne, dont les croyances, la profusion et les monuments et vestiges extraordinaires, tout en nous ramenant à notre condition dérisoire d’hommes passagers, fixent dans l’éternité une race à part d’hommes-dieux, qui méritent fort bien le concept galvaudé de la jeunesse éternelle. Car au bout de ses fouilles et auréolé de son succès de légende, Howard Carter ramène à la mémoire collective, la momie parfaitement conservée d’un roi à jamais guilleret.
Et pour tout vous dire, à la fin de la lecture du roman, j’ai couru télécharger une image du masque funéraire de Toutankhamon sur Google.

exposé au grand musée du Caire
Comme il touchait le dernier voile, il poussa un cri d’émerveillement. Le visage d’or de Toutankhamon, serein, sublime, regardait l’éternité ; les traits étaient modelés sur des feuilles d’or, les yeux d’aragonite et d’obsidienne, les sourcils et les paupières de lapis-lazuli. Les mains, croisées sur la poitrine, tenaient la crosse magique du berger et le fléau de l’agriculteur, incrustées de faïence bleue. Lady Evelyn se glissa à son tour sous le couvercle du sarcophage ; la beauté du visage d’or dépassait en splendeur tout ce qu’elle avait vu auparavant. Toutankhamon n’était pas mort ; une vie ressuscitée habitait ses yeux de pierre.
PP. 378-379
Et ce visage qui respire sérénité, éternité, jeunesse éternelle, tout à fait fidèle aux descriptions enjouées de Christian Jacq, ne cesse de me hanter. Je me suis fait une promesse : ne plus cesser de me documenter sur l’Egypte ancienne, et la richesse du fabuleux patrimoine que nous ont légué ces lointains ascendants. C’est là, la certitude que j’ai acquise.
J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers. Au plaisir.
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Merci beaucoup !
Blog visité, adoré et adopté.
Bisous.
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Super de vous voir ici Angelilie 😉
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C’est un compte rendu de fourmi Tout-en -Carmo dixit Jibé 😄… Merci pour ce voyage que j’ai adoré !
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Merci beaucoup Yèmissi Fadé. Bisous.
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