Mémoires d’ivrognerie : 2e partie

Je picole tous les matins, et tous les midis et tous les soirs chez Iya.

J’ai dit tous les soirs au début pour ne pas vous affoler. Maintenant, vous savez. Inutile de me juger. Il m’avait juste fallu avaler une gorgée de jaune un matin vers sept heures pour que mon tube digestif entre en sympathie avec Iya. Depuis ce jour en effet, je picole tous les matins, tous les midis et tous les soirs. Je n’ai pourtant jamais perdu ma lucidité et seules mes lèvres trop roses trahissent mon goût pour le verre.

Source : Pixabay

D’ailleurs, parmi mes confrères de bouteille, il y en a qui sont autrement plus alcooliques que moi. Tenez, Jean par exemple. Il est gris tous les matins, et tous les midis, et tous les soirs. Il en devient même parfois méchant. Et la honte suprême pour un ivrogne : Jean n’hésite pas à se traîner par terre, déjà des fois dès midi ! Je ne comprends pas comment un ivrogne peut se retrouver dans un pareil état et toujours chercher à fréquenter des gens biens comme nous : alcooliques, mais dignes. Il a été plusieurs fois question d’exclure Jean de notre cercle. Mais Iya s’y oppose obstinément, la vieille. Qui est aliéné ? Mon avis est qu’aucun alcoolisme digne ne doit s’abaisser à hauteur des pavés.

Source : Pixabay

Hélas, autant Jean est celui de nous qui supporte le moins bien l’alcool, autant il est le plus solvable du lot. Parce que comme les joueurs incorrigibles ont leurs dettes de jeu, nous avons chacun nos dettes d’éthanol. Jean, lui, n’en a pas. Il paie comptant. Il a des enfants à l’étranger qui lui envoient beaucoup d’argent pour compenser leur absence prolongée auprès de ce père qu’ils ont tour à tour quitté, une fois le baccalauréat en poche. Du coup, Iya nous demande de prendre exemple sur Jean. Ressembler à Jean, singer Jean, être comme Jean !

–       Il n’y a pas de différence entre Jean et un ver à soie, les deux se traînent au sol. Soyons donc des vers devant nos verres, ai-je proclamé. Et nous avons tous franchement rigolé comme seuls des alcooliques savent le faire. Jean a même ri avec nous. Je ne suis pas sûr qu’il ait bien compris l’allusion…Finalement, ce jour-là, comme beaucoup d’autres, il s’est retrouvé affalé au sol et Iya a dû attendre nos départs pour le ramener chez lui. Je soupçonne la vieille de le voler dans ces moments d’abandon, la perverse.

Source : Pixabay

Moi, je suis maintenant à la retraite et successivement divorcé de mes trois épouses. Je suis seul et je déteste la solitude. Les jours où je suis rentré le soir (car parfois il m’arrive aussi de m’endormir chez Iya mais elle ne me ramène jamais, moi, car il n’y a pas grand-chose à chaparder dans ma maison), je me réveille dès six ou sept heures pour retrouver mes compagnons de picole chez ma tenancière préférée. J’aime l’odeur indéfinissable qui règne dans cette cabane, une synthèse de l’atmosphère d’une pharmacie et celle d’une distillerie. Cela me va parfaitement et pour cette raison seule, je n’honorerai jamais l’invitation de ma fille aînée qui souhaite me faire passer une semaine avec elle à Cotonou. Une semaine sans Iya ? Autant mourir…

La suite la semaine prochaine. 

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Une réflexion sur “Mémoires d’ivrognerie : 2e partie

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